Delphine Chayet (avec Cyrille Louis à Fort-de-France) [20 août 2005]
Le traitement des familles divise les élus martiniquais et l'Etat Le président Jacques Chirac assistera mercredi prochain à l'hommage national rendu aux victimes de la catastrophe aérienne survenue au Venezuela. La cérémonie en souvenir des 152 Martiniquais disparus aura lieu dans le plus grand stade de Fort-de-France. Dans toute la France, les drapeaux seront mis en berne ce jour-là.
Les premiers parents de victimes se sont envolés hier de Martinique vers le Venezuela pour assister à une cérémonie de recueillement au plus près du lieu du drame. L'avion, affrété par le conseil régional et le conseil général de l'île, s'est posé à Maracaibo à cinq heures locales. «Ce que les familles vont voir sur place va être très difficile, a prévenu Yves Dassonville, le préfet de Martinique. Il ne faut pas que les gens s'imaginent qu'ils vont pouvoir reconnaître les corps.» Un Boeing 747 d'Air France, mobilisé cette fois par l'État, devait à son tour décoller samedi à l'aube pour emmener 500 autres personnes – dont une quarantaine spécialement venues de Paris.
Ainsi s'est résolu le flou entourant, depuis deux jours en Martinique, l'organisation de ces voyages. Après avoir déconseillé le déplacement au Venezuela, l'État a finalement répondu à l'attente très forte des familles, désireuses de se rendre au plus vite auprès des disparus. Le conseil régional, mené par l'indépendantiste Alfred Marie-Jeanne, avait de toute façon annoncé qu'il affréterait son propre avion. «Nous voulions qu'une délégation d'élus aille sur place, avec les familles, pour avoir des informations non filtrées par le Quai d'Orsay, indique Daniel Sainte-Marie, vice-président du conseil régional. Jusqu'à la dernière minute, il a fallu se battre contre les autorités de métropole.»
Un même bras de fer a opposé l'État aux élus locaux concernant la cérémonie de deuil prévue mercredi à Fort-de-France. Selon Daniel Sainte-Marie, «le ministre de l'Outre-Mer voulait nous imposer la cathédrale de Fort-de-France pour l'accueillir». L'hommage, auquel se joindra Jacques Chirac, aura finalement lieu au stade Dillon, comme le souhaitaient les élus. Le consensus l'a donc emporté. Mais sur l'île, les élus insistent pour ne pas être mis de côté. «Nous refusons d'être traités avec mépris», indique Daniel Sainte-Marie. Et déjà, des critiques se font entendre sur la gestion de la crise par l'État. «Il ne faut pas sous-estimer la susceptibilité des Martiniquais, qui ne veulent pas être traités comme des «sous-Français», prévient ainsi Christian Catherine, directeur de l'association locale d'aide aux victimes Arames. Ils n'admettront pas que les corps des victimes tardent à être rapatriés, ni que l'on mégote sur les moyens destinés à secourir les familles. Si ce devait être le cas, la situation pourrait très rapidement devenir explosive.»
Hier, après avoir été reçus dans un grand hôtel de la ville, les proches des disparus arrivés les premiers à Maracaibo se sont rendus à la faculté de médecine où les corps de leurs parents ont été transportés. Ils devaient se recueillir dans la chapelle ardente dressée dans le hall repeint en blanc de l'hôpital universitaire, avant de retourner le soir même en Martinique.
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