Toute la journée d’hier, les résidants martiniquais de la Réunion ont tremblé en attendant que soit communiquée la liste des personnes disparues dans le crash du vol WCA 707 au Venezuela. En découvrant les noms de victimes parfois familières, la petite communauté exilée s’est comportée comme souvent lors de pareil catastrophe : en se serrant les coudes.
[18 août 2005]
Joël, Mario, Edward, Denis, Pedro... Tous ces Martiniquais, Réunionnais d’adoption, se penchent avec inquiétude sur la terrible liste aux 152 noms de passagers originaires de leur île décédés dans le crash du vol 707 de la West Caribbean Airways en partance de Panama et à destination de Fort-de-France. Depuis avant-hier ils ont cherché, comme toute la diaspora martiniquaise, à savoir si l’un ou l’autre de leurs proches a eu le malheur de se trouver dans le M-D 82 colombien qui s’est écrasé au Venezuela.
“C’est comme si un avion se crashait entre la Réunion et Maurice”
“J’ai essayé de joindre mes parents toute la soirée et la journée d’hier, en vain. Les lignes sont vite saturées, et je n’ai pas eu de nouvelles avant ce soir”, confie, soulagé, Joël Mongin. Le président de l’antenne locale de la FNTR (Fédération nationale des transporteurs routiers) est aussi celui de Soleil Caraïbes, une association culturelle regroupant les Antillo-Guyanais installés à la Réunion. Hier soir, cette petite association comptant une cinquantaine de membres n’a jamais eu autant de raisons de se réunir, en presque trente ans d’existence. “On était tous très inquiets, car là-bas tout le monde voyage beaucoup. Il y a beaucoup d’îles et de pays autour de la Martinique, et n’importe quel membre de la famille peut prendre l’avion à tout moment, surtout en cette période de vacances. Cela aurait pu toucher n’importe qui”, explique Mario Corbeau, 2e vice-président de Soleil Caraïbes. “Panama est une destination à la mode. C’est comme si un avion se crashait entre Réunion et Maurice.” “C’est une catastrophe pour la Martinique et la France même”, renchérit Joël Mongin. Passé le soulagement de ne pas trouver de parents ou proches dans la liste des passagers, le petit groupe note les noms connus et les villages d’origine des victimes.
Je les connaissais” “
Il y a cinquante personne de ma ville de Saint-Esprit”, note un membre de l’association originaire de cette bourgade de 7 000 habitants. “Il y en avait 18 qui travaillaient à la mairie de Basse-Pointe”, remarque un autre, faisant référence aux nombreux voyageurs partis dans le cadre d’un comité d’entreprise. “Hierso, c’est la famille du cycliste, non ?” “Pavila, c’était un boxeur ?” “La famille Félicité, et les Germany, je les connaissais !” Comme à la Réunion, les patronymes martiniquais évoquent vite un quartier, une ville, une même famille. Et tous ces exilés se remémorent ces disparus pas forcément très proches, mais connus tout de même. Chacun y va de son petit commentaire, et la légendaire joie de vivre antillaise peine à cacher le sentiment de malaise face à pareille tragédie. “Il y a deux ans, le maire du François, Maurice Antiste, est venu rencontrer les Martiniquais de la Réunion à l’occasion d’un congrès sur la pêche. Il a parlé de nous à nos compatriotes aux Antilles. Et là, on vient de découvrir que son frère et sa belle-sœur étaient dans l’avion”, constate avec amertume Joël Mongin. “C’est sûr que nous allons faire quelque chose pour lui...” Hier, seule cette petite façade de la diaspora antillaise, qui compte environ 3 000 membres à la Réunion, a pu s’exprimer sur la catastrophe en se réunissant. Mais déjà, la solidarité s’organise et peut compter sur le soutien de toute une communauté. Aussi lointaine soit-elle.
- Nassimah Dindar La présidente du conseil général de la Réunion, Nassimah Dindar, adresse en son nom propre et celui de l’ensemble des élus et des Réunionnais ses plus sincères condoléances aux familles des victimes de la catastrophe aérienne survenue le 16 août 2005 au Vénézuela. Elle les assure de ses sentiments de compassion et d’amitié à l’occasion de cette immense tragédie et leur apporte le soutien plein et entier de tous les Réunionnais.
- L’Alliance La coordination de l’Alliance exprime sa vive émotion après l’annonce du crash aérien qui a coûté la vie mardi à 160 personnes, dont une majorité de Martiniquais. L’Alliance présente aux familles des victimes et à la population martiniquaise ses sincères condoléances tout en assurant les amis Antillais résidant à la Réunion de toute sa sympathie dans cette terrible épreuve.
- SERGE SYLVAN, AGENT DE VOYAGES “Ne pas diaboliser les charters” Martiniquais, Serge Sylvan est le directeur d’Alizés Voyage, une agence installée à Saint-Denis. Forcément, c’est vers lui que se sont tournés les autres membres de la communauté endeuillée pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé avant-hier dans le ciel vénézuélien. “Nous avons encore très peu d’informations, il faut rester extrêmement prudent”, prévient Serge Sylvan. “Et il ne faut pas commencer à diaboliser les charters, ce qu’on a souvent tendance à faire en France”, indique le voyagiste en réponse à ses compatriotes qui commencent à pointer du doigt la qualité de l’appareil affrété pour ce vol entre Panama et Fort-de-France. “Lorsqu’une agence de voyage affrète un appareil pour la France, l’aviation civile française le contrôle forcément au départ et à l’arrivée. Cela est fait aussi bien pour Air France que pour les appareils des autres compagnies”, explique le directeur d’Alizés Voyage, qui poursuit : “On a avancé comme causes du crash la mauvaise qualité du carburant, puis les pannes successives des deux réacteurs. Cette dernière cause paraît hautement improbable, c’est de l’ordre d’une chance sur un million. Et même dans ce cas-là, l’avion aurait dû planer, il ne serait pas tombé aussi vite. Dans tous les cas, on ne détiendra pas de vérité tant que les boîtes noires n’auront pas été analysées.” Quand on sait que les causes du crash de Charm el-Cheikh, survenu il y a un an, n’ont toujours pas été clairement établies, les Martiniquais vont devoir s’armer de patience avant de connaître le fin mot sur les origines de ce drame.
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